L'EGLISE DES GAULES
Sainte Marie Madeleine à la sainte Baume, Lazare à Marseille, Trophime à Arles, Saturnin à Toulouse, Martial à Limoges, Denis à Paris, Front à Périgueux ; la tradition fait ainsi remonter les
origines du christianisme en Gaule dès le 1° siècle...
La première date « historique » est celle de la persécution d'une cinquantaine de chrétiens à Lyon en 177 (dont sainte Blandine et saint Pothin, premier évêque de cette ville auquel notre célèbre
saint Irénée succédera).
Les premières villes «converties» seront Marseille, Arles et Lyon.
Très vite, l'Eglise des Gaules est autocéphale. Comme ses Eglises-soeurs, elle est organisée en diocèses qui eux-mêmes se regroupent en métropoles ou éparchies, chaque métropole ayant à sa tête
un évêque-primat ou métropolite.
En 450, l'Eglise des Gaules est composée d'environ 140 évêques : répartie en dix-sept métropoles qui coïncident avec les provinces civiles des Gaules franque, belge et germanique. Chaque
métropole renferme environ 5 à 8 diocèses. Puis, tout en sauvegardant leurs libertés respectives, les métropoles s'organisent progressivement en unités plus vastes et plus complexes autour de
sièges patriarcaux (ou exarchats).
Nous avons vu plus haut qu'au IV° siècle, cinq patriarcats – dits "historiques" – se voient accorder un privilège d'honneur . En Gaule, deux métropoles deviennent patriarcat-exarchat : Arles pour
les métropoles du Sud et Lyon-Vienne pour celles du Nord. Il est important de noter que, vers le VI° siècle, le titre de patriarche est accordé aussi bien aux évêques de Milan, Lyon, Tolède,
Canterbury qu'à celui de Rome. Ainsi les rapports de l'Eglise des Gaules avec les autres Eglises d'Occident, en particulier de Rome, sont exactement semblables à ceux qu'entretiennent les Eglises
d'Orient entre elles.
L'Eglise des Gaules est donc autonome. Elle est également soucieuse de son indépendance. "L'Eglise franque, bien que Fresque de sainte Radegondeformellement très respectueuse de l'évêque de Rome,
allait se développer dans une indépendance administrative totale." Clovis tient un premier concile dans son royaume à Orléans en 511. Il se prépare une collaboration et des échanges d'intérêts
entre l'évêque de Rome et le roi des Francs qui va aboutir, avec Pépin le Bref mais surtout avec Charlemagne, à la centralisation des pouvoirs religieux autour de l'évêque de Rome. Ceci
s'aggravera encore, après le schisme de 1054, avec le pape Grégoire VII, « le pape de fer », et ses réformes autoritaires et centralisatrices qui vont effacer progressivement la vision
universelle et orthodoxe de l'Eglise en tant que communion d'Eglises-soeurs.
Rome agit alors directement, écartant métropolites, patriarches et exarques dont les titres, peu à peu vidés de leur signification, disparaissent très tôt en Occident, s'efforçant même de priver
les évêques de leurs pouvoirs propres. Cela aboutira en France, à la fin du XIVème siècle, à la double opposition d'un gallicanisme à la fois politique (celui des rois) et religieux (celui des
théologiens).
En résumé, la fidélité obstinée à cette ancienne tradition qui a caractérisé le gallicanisme a, du même coup, véhiculé une subconsciente nostalgie de la foi orthodoxe de l'Eglise indivise à
laquelle ne restèrent pas insensibles des personnalités aussi éminentes que diverses au cours des siècles. Cette permanence pourrait expliquer pourquoi tant de fidèles de l'Eglise Orthodoxe
Française, se sont, dès leur tout premier contact avec elle, sentis d'emblée «chez eux».
Et, pour conclure sur le sujet, voici cette anecdote : en 1920, le métropolite de Salonique dira à Eugraph Kovalevsky : "[...] Les Français ont deux traits de caractère : leur âme est
orthodoxe et leur esprit aime la liberté du Christ [...]"