L'EGLISE INDIVISE
Période bénie des premières communautés chrétiennes, de la naissance des Eglises locales, des temps apostoliques, des premiers grands saints et des conciles œcuméniques. Un premier
millénaire qui fête la jeunesse d'une Eglise épanouie et encore sereine.
« Allez donc; de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à garder tout ce que je vous ai prescrit [...] Et moi, je suis
avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps.» Matthieu XXVIII 16 - 20
Obéissant ainsi, les disciples du Christ vont propager la bonne nouvelle en suivant principalement les grandes voies d'accès du bassin Méditerranéen. D'innombrables baptêmes suivent les premières
conversions et ces nouveaux baptisés fondent les premières communautés chrétiennes dans une grande simplicité, désireux seulement de ne faire «qu'un seul cœur et qu'une seule âme» dans l'Esprit
Saint . Bientôt ces communautés prennent le nom d'«Eglise» (du Grec ekklesia qui signifie «assemblée du peuple») et ce terme désigne aussi bien l'ensemble de tous les chrétiens que certains
groupes distincts : les premières Eglises locales comme, par exemple, l'Eglise de Jérusalem, d'Antioche, ou d'Ephèse ... L'Eglise est ainsi fondée sur l'apostolat et les Eglises ont toutes, dès
le commencement, la même doctrine..
« Les 12 apôtres forment les 12 colonnes de l'Eglise qui reposent sur la pierre fondamentale qui est Jésus-Christ;
les fidèles sont les innombrables pierres formant l'édifice », cette métaphore chère aux écrivains des premiers siècles illustre parfaitement la future conciliarité de l'Eglise. Devant continuer
leur mission, les apôtres élèvent, par l'imposition des mains, certains hommes à la tête des communautés. Ainsi, dès le début du II°siècle, évêques («episcopi»: surveillant (garant de la foi)) et
prêtres («presbyteri»: anciens) ont charge du peuple chrétien, en cela ils sont aidés par les diacres.
Quand l'Eglise eût pris de l'expansion, les évêques, selon l'importance de leur juridiction sont nommés archevêque, métropolite, exarque ou même patriarche. Tous les évêques étant égaux entre eux
- le Christ est seul "chef "de l'Église - les grandes décisions concernant l'Eglise sont prises en Conciles. L'Eglise primitive est donc constituée par un épiscopat dont tous les membres sont
unis de communion, formant ainsi un «tout homogène» et «aucune de ces Eglises n'a de prétention à une supériorité sur les autres».
Après le 1° concile de Jérusalem, c'est en Asie Mineure, au milieu du II° siècle, que se sont tenus les premiers
conciles. Ces réunions des communautés seront très fréquentes dès les premiers siècles. A partir du IV°siècle, date à laquelle on compte une centaine d'Eglises, les Conciles réunissant
toute l'Eglise sont dits Oecuméniques et seront considérés comme l'instance suprême de toute l'Eglise ; le christianisme devient religion d'état et l'Eglise, une Eglise d'empire. Une dyarchie
entre l'empereur et le patriarche se met en place, cette "symphonie" s'avèrera souvent difficile à harmoniser.
Si l'Eglise ne souffre plus alors des terribles persécutions des premiers siècles elle est cependant agitée par des crises hérétiques importantes qui obligent ainsi ces grands conciles à
clarifier de plus en plus précisément le contenu de la foi chrétienne. Au V° siècle, cependant, suite au Concile de Chalcédoine, certaines Eglises se séparent de l'Eglise indivise. La raison «
officielle » est une divergence à propos des deux natures du Christ ... Déjà un schisme ! Parallèlement, en Occident, Rome tombe aux mains des Barbares mais les Eglises des peuples d'Occident
sont bien vivantes au sein d'un système ecclésial métropolitain.
En Orient commence la grande époque Byzantine avec notamment la splendeur des Liturgies de St. Jean Chrysostome et de St. Basile le Grand. A cette époque Constantinople est le siège le plus
important de la pentarchie formée des patriarcats de Constantinople, Rome, Alexandrie, Antioche et Jérusalem. L'évêque de Constantinople du moment, Jean le Jeûneur, s'attribue le titre
honorifique de « patriarche œcuménique » (malgré la protestation de l'évêque de Rome, St. Grégoire le Grand). Le VII°siècle vit aussi la naissance de l'Islam.
Survînt la crise iconoclaste (726-843) alimentée successivement par deux empereurs byzantins désireux surtout de soumettre l'Eglise à leur pouvoir. De nombreux moines et fidèles
mourront d'avoir vénéré les saintes icônes et reliques. Il faudra attendre l'Impératrice Théodora (843) pour que le culte des icônes soit restitué et que le calme revienne mais cette crise
affectera encore un peu plus les relations Orient-Occident avec, notamment, Charlemagne qui, cherchant une légitimité et souhaitant recréer le « Saint empire Romain », se montre clairement
iconoclaste et politiquement centralisateur autour de Rome. Plus tard, cela s'avérera lourd de conséquences pour l'Eglise de France.
Parallèlement à cela, les peuples slaves trouvent dans l'Eglise de Constantinople la continuité parfaite de l'Eglise Indivise, « le ciel sur la terre », et ils la choisissent pour entrer dans le
concert universel des Eglises qui sont encore nombreuses à cette période même si l'organisation métropolitaine de l'Eglise universelle est déjà très affaiblie dans les Eglises d'Occident autour
de la papauté romaine qui impose son autorité, notamment par de faux documents : les « fausses décrétales » et la Donation de Constantin. A l'Est, après les pays slaves et la Bulgarie (864),
c'est au tour de l'Ukraine, en 989, de devenir chrétienne par la volonté de son prince, Wolodymyr, lui-même baptisé à Constantinople.
Le XI°siècle marque un tournant dans l'histoire de l'Eglise avec le schisme de 1054. L'Eglise de Rome se sépare du tronc commun de toute l'Eglise Indivise, «officialisant» ainsi
la rupture entre Orient et Occident. La réforme Grégorienne va encore accroître l'autorité du pape de Rome au détriment du rôle de l'évêque en Occident et ainsi rendre plus difficile toute
réconciliation, notamment celle de 1089, véritable main tendue par l'Eglise orthodoxe à l'Eglise romaine. Cette dernière dérive peu à peu vers une structure d'empire ecclésiastique qui centralise
tout autour d'elle, et en particulier les Eglises locales. Elle « latinise » ou « romanise » tout. Se voulant seule catholique, elle universalise le génie latin suscitant de nombreuses réactions
et schismes dont l'anglicanisme, le gallicanisme et, plus tard, le protestantisme. D'un autre côté, les Eglises restées unies et qui seront appelées, vers le XIV°siècle, « orthodoxes », se
replient sensiblement sur elles-mêmes, surtout après le terrible saccage de Constantinople par la IV° croisade, déviée sur la "ville gardée de Dieu" par les Vénitiens, et qui constituera une
difficulté majeure au retour à l'Eglise une et indivise...