Selon l'étymologie grecque, ortho signifie droit, doxa signifie opinion, jugement, estime ou gloire. La foi orthodoxe est la foi définie par les conciles œcuméniques, elle est la foi des origines
- fidèle à la Tradition - celle de la grande période où, pendant onze siècles, l'Eglise fut « une, sainte, catholique et apostolique ».
Pour mieux se représenter historiquement le christianisme depuis ses origines, l'on peut comparer l'Eglise du Christ à un ARBRE :
- Les racines représenteraient les prophètes de l'Ancien Testament, qui annoncent la venue du Messie, du Christ, jusqu'à la bienheureuse Marie, la Mère de Dieu.
- La souche, le collet : le Christ et ses apôtres, rocher et piliers de l'Eglise naissante.
- Le tronc : l'époque de l'Eglise indivise et de ses évêques ; période de l'Eglise où il n'y avait ni « catholiques Romains », ni « catholiques Orthodoxes » mais seulement des
chrétiens. C'est aussi la période des 7 grands Conciles Œcuméniques, celle aussi des pères de l'Église, des pères du Désert et des saints peut-être les plus déterminants dans leur témoignage et
leurs enseignements. LA FOI ORTHODOXE EST TOUJOURS RESTÉE FIDÈLE A CELLE DU TRONC UNIQUE.
- La ramure : les séparations, les schismes, plus ou moins importants selon les Eglises qui s'écartent du « tronc commun » (catholiques Romains, Eglises de la Réforme,...).
Le terme « orthodoxie » est donc apparu, dans le sens qu'on lui connaît aujourd'hui, vers le XIV° siècle par distinction d'avec cette autre «ramification» que constitue l'Eglise romaine et qui
s'oriente vers un éclairage, une foi différente sous certains aspects. « Orthodoxie » renvoie à la foi chrétienne la plus ancienne, la plus proche des origines : celle d'avant le schisme de 1054.
Les Pères utilisent ce mot pour désigner l'Eglise-Mère, ils entendent par ce terme manifester la louange dans la Vérité, Orthodoxie signifiant ainsi la vraie foi.
« On ne se convertit pas à l'Orthodoxie,
on revient à l'Orthodoxie[...] » père Wladimir Guettée (+1892)
Orthodoxie en France
Pendant plus de dix siècles, l'Occident chrétien a été fondamentalement en communion de foi avec l'Orient chrétien malgré les incidents et les brouilles passagères qu'on connaît
dans toutes les « familles». Puis ce fut une longue séparation (8 s.) qui devint une grande ignorance réciproque.
L'émigration russe du début du 20e siècle rappela l'existence de l'Orthodoxie, c'est-à-dire d'un christianisme proche des origines, à l'Occident. Il rencontra aussi l'aspiration de certains
occidentaux à retrouver cette Eglise du 1 er millénaire, cette Eglise indivise, dans sa foi vivante et expérimentale, dans les splendeurs de sa liturgie occidentale et dans sa capacité de liberté
en Dieu, débarrassée des rajouts et sédimentations que les siècles et l'esprit rationalisant avaient déposés pendant le dernier millénaire.
Cette rencontre produisit la résurgence de l'Orthodoxie occidentale. Depuis 70 ans des hommes et des femmes ont essayé de restaurer, malgré de multiples difficultés, cette Eglise de nos Pères
dans notre Europe déchristianisée et sécularisée : une Eglise qui professe la foi et l'enthousiasme des origines, qui célèbre l'ancienne liturgie des Gaules, celle que le génie de notre culture
multiple (grecque, latine, gauloise, mérovingienne) enfanta avant que ne soit imposée l'uniformisation ecclésiale par le pape de Rome.
Après le schisme du XI° siècle, le monde chrétien est divisé en deux. Le patriarcat romain se retrouve isolé et les autres patriarcats se replient sur eux-mêmes, entre eux, et conservent la foi
orthodoxe.
La France continue à subir la poursuite de la centralisation de son Eglise autour du patriarcat romain. Ainsi, pour ces raisons, durant les derniers siècles et jusqu'à la fin du XX°siècle,
« L'ignorance ou la méconnaissance de l'Orthodoxie sera presque totale ! ».
Mais, je veux, aujourd'hui, dire ici la grandeur des Eglises orthodoxes d'Orient. Elle ne consiste pas seulement en ce que l'âme slave sache si bien prier, ou que les Grecs soient de merveilleux
et uniques poètes, tels un Damascène ou un Roman le Mélode. Elle n'est pas non plus seulement en la souffrance endurée par d'innombrables martyrs pendant que l'Occident jouissait de la
tranquillité ; certes, tout ceci est grand, tout ceci est magnifique et peut nous fournir d'admirables exemples dignes d'apologie, mais ce qui est irremplaçable dans l'Eglise d'Orient, c'est
qu'elle nous a préservé au travers de toutes les vicissitudes et les difficultés de l'histoire de l'humanité, cette Eglise-mère, cette Eglise organique, cette Eglise qui est une intérieurement,
qui a su placer la vie au-dessus de l'abstraction, de l'organisation et de la pensée. Elle nous a préservé ! Et s'il n'y avait pas eu d'Eglise d'Orient pour nous garder intact ce
trésor que l'on appelle Orthodoxie, nous ne pourrions pas, au XXe siècle, faire artificiellement un saut en arrière et revenir aux sources… Ma pensée s'élance vers les Eglises orthodoxes de
l'Orient et leur dit : «Soyez bénies ! Vingt siècles ont passé et vous avez gardé intact le dépôt, protégé la source qui vient des siècles primitifs. »
Il incombe à l'Occident, à nous tous, de faire couler cette source ici-même. Sommes-nous «contre» quelque chose ? Non, mes amis. Mais l'Orthodoxie est une nécessité pour des milliers d'âmes! - Si
certaines n'en ont pas besoin, qu'elles demeurent surtout là où elles sont - Je vous l'assure, c'est une nécessité, un cri de multitudes de multitudes d'âmes, celles qui sont déjà parties
de cette terre et celles qui vivent encore ou qui viendront, une nécessité de retrouver l'Eglise indivise, dépouillée de conflit entre ma conscience et son enseignement, mes convictions
et ses dogmes, sans crise permanente entre son autorité et ma liberté, crise qui provient de ce que l'Eglise ayant perdu l'unité intérieure, l'autorité, la doctrine et l'unité extérieure sont, de
ce coup, placées au-dessus de la vie. C'est une nécessité et, veut-on ou ne veut-on pas, y aura-t-il des difficultés ou n'y en aura-t-il pas, de jour en jour l'Eglise orthodoxe grandira jusqu'à
parvenir au nombre voulu par Dieu.
Et maintenant, laissez-moi vous faire une confession personnelle. Vous pouvez vous demander, à juste titre, pourquoi un Russe comme moi a donné toute sa vie à cette Orthodoxie occidentale et
française ? N'eût-il pas été plus naturel qu'à ma place, ici, aujourd'hui, soit un Français ? Que vous répondrai-je ?
Durant des années, j'ai cherché ce Français, je suis resté laïc, à la quête de cet Occidental cent pour cent, capable d'occuper cette place. De 1925 à 1937, je suis resté en quête, priant Dieu de
me faire rencontrer cet homme et lui disant : «Seigneur, indique-le moi, afin que je le serve et lui remette l'œuvre. Qu'il vienne, qu'il prenne cette place ! » Et je ne trouvais personne. Enfin,
il vint. C'était Monseigneur Winnaert. Mais, à peine avait-il posé les premières pierres de l'Église orthodoxe occidentale, à peine était-il entré dans l'Eglise orthodoxe, que Dieu le rappelait
au ciel. Et en mourant, il me dit : «Incline ta tête et accepte de travailler à ma place.» Je ne pouvais refuser à celui qui allait quitter cette terre ; je courbais donc ma tète et fut ordonné
prêtre. J'acceptais. Mais en acceptant, mes amis, il me fallait réaliser un long travail..., car - et ici nous revenons à l'Orthodoxie occidentale et française - d'un côté, j'avais certes
l'assurance de sortir moi-même de cette source orthodoxe, des profondeurs des entrailles orthodoxes pour vous apporter la pure doctrine, mais je comprenais en même temps qu'il y avait un autre
travail à accomplir, un travail d'abnégation. Le Christ a dit : « Celui qui ne quitte pas son père et sa mère n'est pas digne de moi.» Pour m'attacher à vous et à l'œuvre, je devais quitter mon
père et ma mère, mon passé, ma tradition culturelle, épouser l'Occident et la France, tourner le dos à l'Orient, non à ce qu'il a de précieux du point de vue sauvegarde de l'Orthodoxie, mais à ce
qui lui est spécifique. Ce fut mon monachisme, et maintenant, je puis le dire, je suis vraiment le serviteur cent pour cent de l'Occident et de la France orthodoxe.
Il est intéressant de noter que dans tous les pays d'Europe, en Allemagne, en Italie, en Suisse, en Angleterre, en Hollande, nous voyons des mouvements de retour à l'Orthodoxie. Je pense, néanmoins, que c'est à la France de prendre le flambeau. Le peuple français possède une qualité très particulière, que l'on pourrait désigner par : esprit chevaleresque et missionnaire, «Dieu premier servi». Un archimandrite grec me disait à Paris, il y a dix ans : « Les Grecs ont pensé, les Russes ont senti, les Français réaliseront.» Il y a, en France, un esprit de conquête, un esprit de service, un esprit de sacrifice pour un idéal. Voilà la raison pour laquelle je crois que c'est la France qui réalisera, augmentera, fortifiera, propagera et confessera cette Église orthodoxe en général et occidentale en particulier. Et Dieu me souffla que si nombre de peines nous attendent encore pour nous purifier, nous ne sommes pas loin cependant d'une réalisation merveilleuse, et qu'en grandissant, cette Eglise donnera une infinité de grâces aux âmes, qu'elle aidera quantité d'êtres à se retrouver non seulement dans les épreuves personnelles, mais aussi dans les épreuves mondiales. Pendant les périodes très critiques que l'Europe subira bientôt, elle donnera la possibilité de «connaître », avec l'espérance d'un Péguy, la puissance du Saint-Esprit, et permettra de traverser les vagues de ce monde la tête haute et confiante.
Que Dieu soit loué, Père, Fils et Saint-Esprit, aux siècles des siècles. Amen !
Père Eugraph Kovalevsky, (1956) ( futur évêque de l'Eglise Orthodoxe de France, canonisé en 2008 )