PHILOCALIE signifie "amour de la beauté" dans le sens littéral que lui donne l'hellénisme chrétien. Cette "Beauté" désigne à la fois celle de Dieu et celle de la créature transfigurée dans le sens que pourrait lui donner saint Denys l'Aéropagite disant d'elle qu'elle suscite toute communion.
"Que tous soient un comme nous sommes un" Jn XVII 22
Beauté du Un retrouvé.
Tous, nous sommes appelés à nous unifier à Dieu, en nous simplifiant, nous unifiant déjà intérieurement.
"Nous participons de la beauté ultime, qui est la beauté originelle. La mort de la chair terrestre et la fin du monde n'ont pas prise sur cette beauté. Car elle est plus que le monde. A la fin,
plus bas et plus haut que la mort, le monde entier ne sera plus qu'une immense et intense lumière où nous verrons rayonner le visage de ceux que nous aurons aimés, et ces visages auront le visage
du Christ, et le visage du Christ aura leurs visages. C'est là le témoignage rigoureusement concordant de tous les Saints. C'est là l'expérience que simplement, humblement, chacun de nous peut
faire en pleine vie quotidienne. Mais à une condition : que nous soyons follement amoureux de la beauté originelle absolue, donc de Dieu seul.
L'amour de la beauté - la philocalie, comme l'appelaient les Byzantins - ce "manikos éros" des Pères du désert, cet amour fou, est en effet paradoxalement une voie d'ascèse. Ici la beauté est un
absolu. Elle n'est pas un qualificatif que nous pourrions nous-mêmes ajouter ou retrancher aux choses. La beauté est d'abord dans le regard de Dieu ."
"Qu'on l'accepte ou non, qu'on en éprouve de l'effroi ou de la satisfaction, c'est vers l'universalité et l'unité que se meuvent tous les hommes d'Orient et d'Occident en quête de profondeur." .
La volonté libre est volonté d'universalité disait Platon.
L'Église Orthodoxe Française est soucieuse de susciter et de développer ce type de prise de conscience en faisant en sorte que l'homme retrouve goût à l'animation de son intériorité, de sa vie
intérieure. Pour que l'homme travaille à "l'éveil et la croissance de sa dimension divine".
Le beau et le bon
Le mot hébreu « tob » qui ponctue les phases de la création du monde dans le récit de la Genèse signifie en même temps bon et beau. « Dieu vit que c'était bon » veut dire également « Dieu vit que
c'était beau ». En hébreu la bonté et la beauté sont comme les deux faces, intérieure et extérieure, de la révélation du monde. Il en est de même en grec. Pour les Grecs, le "kalon kai agathon"
(le beau et le bon) était dans un sens déjà plus moral que cosmique, une même vertu." Ainsi "Beauté", dans la tradition grecque, réunit les notions de beau, de bon et aussi de bien; pensée
d'ailleurs chère à Platon.
La Jérusalem Céleste
Pourquoi ne pas parler alors d'Églises philocaliques ? Notre Eglise terrestre n'est-elle pas le fondement de la Jérusalem Céleste, cette réalité absolue, ce "signe ultime de l'icône du Royaume" ?
C'est bien ce que nous dit Jacques Touraille quand il évoque la nouvelle Jérusalem, "communion éternelle de la beauté de Dieu et de la beauté du monde, transfiguration des énergies de la création
dans la lumière incréée". La réalité absolue ne saurait être le monde que nous connaissons ; la Jérusalem Céleste a, dans le livre de l'Apocalypse, la forme d'une cité qui récapitule toutes les
formes cosmiques. "Cité Sainte" est son nom dans la Bible ; elle est "comme une épouse parée de beauté pour son époux". Cette beauté est la beauté du monde et elle sera la transfiguration du
monde dans la lumière éternelle, "dans la lumière de Dieu : dans sa gloire".
Dans l'attente de cette nouvelle Jérusalem, dans la gestation même de sa venue, au sein de son fondement - notre Église terrestre - préparons son avènement dans "l'amour des autres qui est aussi
l'amour de la beauté" dans l'esprit de cette philocalie qui est de "susciter toute communion".
Le Christ nous demande-t-il autre chose ? Et n'est-ce pas là l'ultime but eschatologique ?